INTERVISTA A MUSSOLINI DI
C. Drexel

 

Dicembre 1934

"Des carrières pour les femmes? je n'y crois pas. Le rôle de la femme est d'être épouse et mère. C'est assez pour remplir la vie d'une femme". Quand ces paroles furent prononcées devant moi, par Mussolini, il y a quelques années, elles me parurent choquantes, mais cette conception du plus beau rôle de la femme, devient de plus en plus l'idéal commun. Une enquête faite récemment dans un des plus grands collèges de femmes, révéla que les jeunes filles ont rélégué au second plan les carrières et qu'elles songent en plus grand nombre au mariage, aux EtatsUnis. Les situations qui s'offraient aux femmes ont été fort limitées en Allemagne et en Italie. Comme résultat de cette politique les mariages sont de plus en plus nombreux et les naissances augmentent en proportion.
Mon entrevue avec Mussolini eut lieu dans le Palais Chigi.
Comme mon nom était inscrit sur la liste des invités, on ne me fit pas attendre et je fus conduite par un ascenseur particulier aux bureaux du dictateur. Je fis quelques moments d'antichambre et à 4 heures 30 exactement, l'heure convenue, on m'introduisit dans le bureau privé. Je marchai jusqu'à la table où se tenait le dictateur. Il était debout, me regardait avec intensité, plein de dignité, il s'inclina devant moi avec une grande distinction. j'expliquai le but de ma visite. Il m'expliqua à son tour que ce ne serait pas une interview, mais une conversation libre. C'est ainsi que Mussolini se tient en contact avec les différentes parties du monde. Il apprend sans paraître s'en soucier ce qu'on pense de lui à l'étranger.
C'est pourquoi il commença tout de suite à me poser des questions. Je m'étais préparée à le questionner sur l'influence des femmes dans la politique, mais la conversation prit un tour auquel je ne m'attendais pas.
Quand, à une question de Mussolini, je répondis qu'un certain ambassadeur italien, dans une des capitales étrangères était un hôte très populaire, Mussolini jeta
- Ah! Oui, un célibataire, et particulièrement aimé des dames, je comprends. C'est très important, ditil.
- C'est beau, lui disje, de vous entendre faire de tels compliments au beau sexe, car on assure généralement que la femme ne joue pas un rôle important dans votre vie.
- C'est vrai. Je suis trop occupé. Mon pays passe avant tout. Je passe 14 heures devant mon bureau sur 24, même le dimanche. C'est à la musique que je demande du repos. Quel compagnon que la musique, ne demandant rien et donnant tout.
- Mais, osaije dire, les femmes ne peuventelles pas être des inspiratrices pour l'homme?
- Bah! elles ne comprennent pas.
- Mais Dante et Béatrice? Je croyais avoir trouvé un argument irréfutable, particulièrement pour un Italien.
- Vous vous trompez, ditil. Béatrice ne fut pas l'inspiratrice du grand poète. Il épousa une autre femme dont il eut quatre fils. Mais ce furent la misère et la persécution, qui firent sa force.
- Pensezvous que les femmes doivent embrasser des carrières?
- Non, non, non.
Je découvris ensuite que pour avoir atteint le pinacle de la gloire en Europe, et être devenu un homme qui fait trembler les nations, Mussolini n'a pas oublié son humble origine. Et il garde de la reconnaissance à une femme. Il semble qu'il ne puisse pas parler sans en venir aux femmes. J'avais prononcé dans la conversation, le nom de Mlle Vera Bloom, fille du sénateur Bloom de New York que j'avais rencontrée à Washington.
Estelle de vos amies? me demandatil avec plaisir. C'en est une qui m'a connu quand j'étais haut comme ça. Je veux dire quand je n'étais encore que journaliste. Il sembla se reporter en arrière, sans doute à cette époque où Mlle Bloom vint lui porter une lettre. Peu de temps après, il marchait sur Rome et Mlle Bloom fut l'une des premières à obtenir une interview du nouveau dictateur.
Naturellement j'attendis qu'il me signifiât mon congé.
- Je vous ai gardée plus longtemps que je ne voulais, ditil, en regardant l'horloge. Je dois maintenant vous dire adieu.
- Quand vous reviendrez à Rome, prévenezmoi.
En sortant, je croisai dans l'antichambre une Vieille Anglaise, collaboratrice d'un journal anglais de Paris, qui enseigne l'anglais au Duce. Je lui demandai si Mussolini était un bon élève.
- Il sait déjà lire et écrire, mais il est un peu embarrassé dans la conversation. Il devient impatient aussitôt qu'il ne réussit pas à saisir quelque chose du premier coup.
Quand il est au repos, Mussolini a l'air d'un marbre, d'une statue héroïque de MichelAnge. On n'a pas à chercher longtemps pourquoi on l'a appelé Il Duce. Ses veux sont noirs et perçants, quelquefois hypnotiques, sembletil, dans la fixité du regard. Sa bouche est large et forte garnie de belles dents. Et pour adoucir son expression un pli au milieu du menton.
A propos de cette fossette, voici une anecdote bien caractéristique. A un certain moment, durant notre conversation il s'emporta, et avec une telle véhémence que j'en demeurai tout abasourdie.
Heureusement pour moi, il me vint à ce moment une idée d'un caractère tout différent. Je fis allusion à une anecdote plaisante que j'avais lue à son sujet. C'était intitulé: "Le despote à fossette".
- Des fossettes? des fossettes?
Qu'estce que cela?
Il resta un moment intrigué.
- C'est ce que vous avez sous le menton. Et ce disant je touchai mon propre menton.
- Estce flatteur ou doisje prendre la chose sérieusement? demandatil tout à fait interloqué.
Mais, c'est une chose très jolie.

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